Le silence semble s’épaissir à mesure que l’on s’enfonce dans Elements of Disturbance (Elements de Perturbation), première exposition parisienne de Parsoua Mahtash.
À première vue, tout semble paisible : des paysages au fusain d’une délicatesse presque surannée, des aplats picturaux assumés par cet artiste né en 1980 à Bandar Abbas, en Iran. Mais très vite, une faille s’ouvre. Une brèche noire, griffonnée, jaillit du calme apparent. Et tout vacille.
Ces zébrures violentes, rageuses, qui lacèrent le papier et troublent la surface des toiles, ne sont pas des erreurs ni des accidents. Ce sont des gestes. Des actes. Des perturbations revendiquées. Chez Parsoua Mahtash, le trait noir est plus qu’une ligne : il est le symptôme visible d’une tension intérieure, la manifestation plastique de ce que l’artiste nomme « une harmonie unique entre calme et chaos ». Son dessin, hérité de l’enseignement académique, devient alors le théâtre d’un conflit : celui d’un esprit qui ne cesse de basculer, d’hésiter, de se fracturer.
Il y a dans ces œuvres une sorte d’archéologie du trouble, un relevé topographique de l’ambiguïté humaine. Chaque paysage semble contenir son contraire : l’apaisement dans la tempête, la menace dans la quiétude. Rien n’est tout à fait stable, tout s’ouvre à la possibilité du basculement. Comme si chaque montagne dessinée n’était qu’un mirage prêt à s’effondrer. Comme si chaque forêt dissimulait déjà les racines d’un tremblement. Ici, l’instabilité devient méthode. Le trouble devient langage. « La seule constante, c’est le changement ».
Mahtash n’est pas un inconnu sur la scène internationale. En 2022, il remportait le Premier Prix du très exigeant ARC Salon International aux États-Unis pour 01-Departure-A Tale of Middling, une œuvre qui alliait virtuosité technique et audace contemporaine. La même année, il était sélectionné pour The Polaris Collection du Lunar Codex — un projet de SpaceX et de la NASA visant à envoyer sur la Lune des œuvres d’art contemporaines. Rien de moins. Depuis 2024, le British Museum suit de près son travail dans le cadre d’un projet d’acquisition. Et pourtant, malgré ces reconnaissances prestigieuses, Parsoua Mahtash semble garder une distance volontaire vis-à-vis du spectaculaire. Chez lui, le geste reste intérieur. L’explosion est contenue.
Avec Elements of Disturbance, il ne s’agit pas de peindre le chaos du monde, mais celui de l’âme. Le paysage devient mental, les formes, des fauteurs de trouble et même les certitudes se diluent. Dans sa note d’intention, l’artiste évoque « un monde où rien ne dure et tout est en perpétuelle transformation ». Ce n’est pas un constat amer. C’est une révélation. Le désordre, ici, n’est pas la fin : il est le point de départ.
Cette exposition, présentée par Simine Paris en collaboration avec la galerie Aaran de Téhéran, est une invitation à accepter l’instable, à habiter le trouble. À reconnaître que ce que l’on nomme parfois perturbation n’est peut-être qu’une autre forme de lucidité. Car, comme le murmure chaque trait noir griffé dans ces paysages d’apparence tranquille : rien ne tient… mais c’est sans doute là que tout commence.
Parsoua Mahtash: On the Edge of Chaos
Silence seems to deepen as one steps into Elements of Disturbance, Parsoua Mahtash’s first solo exhibition in Paris.
At first glance, everything appears serene: charcoal landscapes rendered with an almost nostalgic delicacy, confident pictorial surfaces crafted by this artist born in 1980 in Bandar Abbas, Iran. But quickly, a fissure appears. A jagged black breach erupts from the apparent calm. And everything begins to shift.
These violent, almost furious strokes that slash across the paper and disturb the surface of the canvas are neither mistakes nor accidents. They are gestures. Acts. Deliberate disturbances. For Parsoua Mahtash, the black line is more than a mark — it is the visible symptom of inner tension, the plastic manifestation of what the artist describes as “a unique harmony between calm and chaos.” His drawing, rooted in academic tradition, becomes the stage for a conflict: that of a mind perpetually oscillating, hesitating, fracturing.
There is, in these works, a kind of archaeology of imbalance, a topographical study of human ambiguity. Each landscape seems to hold its opposite: stillness within the storm, threat within the quiet. Nothing is truly stable; everything opens up to the possibility of collapse. As if every drawn mountain were but a mirage, ready to crumble. As if every forest already hid the roots of a tremor. Here, instability becomes method. Disturbance becomes language.
Mahtash is no stranger to the international scene. In 2022, he was awarded First Prize at the highly selective ARC Salon International in the United States for 01–Departure–A Tale of Middling, a work that married technical virtuosity with a deeply contemporary approach. That same year, he was selected for The Polaris Collection of the Lunar Codex — a joint project between SpaceX and NASA aiming to send contemporary artworks to the Moon. Since 2024, the British Museum has been closely following his work as part of an acquisition project. And yet, despite these prestigious recognitions, Parsoua Mahtash seems to maintain a deliberate distance from spectacle. For him, the gesture remains inward. The explosion, contained.
With Elements of Disturbance, the goal is not to paint the world’s chaos, but the soul’s. The landscape becomes mental terrain; the forms, agents of dissonance; even certainty begins to dissolve. In his artist’s statement, Mahtash speaks of “a world where nothing lasts and everything is in perpetual transformation.” This is not a bitter diagnosis — it is a revelation. Disorder, here, is not the end: it is the beginning.
Presented by Simien Paris in collaboration with Aaran Gallery in Tehran, this exhibition is an invitation to embrace the unstable, to dwell in dissonance. To recognize that what we often call disturbance might, in fact, be another form of clarity. Because, as each black stroke scratched into these seemingly quiet landscapes whispers: nothing holds — and perhaps, that’s where everything begins.