GAME OVER” de Hamid Shams : Quand l’absence d’une œuvre devient le symbole d’une oppression persistante

GAME OVER” de Hamid Shams : Quand l’absence d’une œuvre devient le symbole d’une oppression persistante

Au mois d’octobre dernier, la foire d’Art Asia Now, dédiée aux artistes contemporains du continent asiatique, devait accueillir à la Monnaie de Paris, l’exposition d’une œuvre inédite, “GAME OVER” de l’artiste iranien Hamid Shams. L’événement devait marquer une performance saisissante, débutant par une danse accompagnée de la lecture d’un texte mythologique persan, pour se conclure par la révélation d’une sculpture monumentale. Une pièce de 115 x 115 x 230 cm en métal, qui devait être le point culminant d’une mise en scène méticuleuse et symbolique. Mais l’œuvre n’est jamais arrivée. Aujourd’hui, ce vide devient malgré lui la preuve en reflet d’une réalité politique et sociale oppressante.

Un projet artistique interrompu par la censure

La performance qui aurait dû captiver les spectateurs débutait avec la danse d’un interprète, accompagné d’une musique enivrante, racontant la légende de Zahhak et Fereydoun. Dans cette mythologie persane, extraite du Shahnameh du poète Ferdowsi, Zahhak est le symbole de la tyrannie la plus absolue, incarnée par un monstre doté de serpents sur les épaules, qui réclamait le sacrifice de jeunes vies pour maintenir son pouvoir. Face à lui, Fereydoun, le héros et libérateur, renversait cette figure monstrueuse avec l’aide du peuple, apportant justice et espoir.

La performance devait aboutir à la révélation d’une sculpture représentant cette même chute de Zahhak et l’ascension de Fereydoun : un serpent décapité enroulé autour d’une tour, autrefois utilisée pour annoncer les nouvelles importantes. La sculpture, intitulée “GAME OVER”, symbolisait la fin d’une tyrannie, tout en laissant entrevoir que le pouvoir persiste, même après une victoire. Chaque victoire, comme l’indiquait Shams, porte en elle le poids de ce qui l’a précédée, et la tour, avec le serpent fermement accroché, rappelait la complexité et l’ambivalence des luttes de pouvoir.

Pourtant, la sculpture n’a jamais atteint Paris. Bloquée en Iran, en raison d’une interdiction totale des vols internationaux, “GAME OVER” est restée à Téhéran, capturée par une réalité géopolitique complexe, empêchant l’œuvre de trouver son espace et son public. La performance, désormais incomplète, s’est transformée en un moment de confrontation avec un vide abyssal, soulignant encore un peu plus le questionnement initial de l’œuvre.

Un artiste iranien face à la répression

Contrairement à des artistes comme Yves Klein ou Robert Rauschenberg, pour lesquels l’absence d’une œuvre devenait une œuvre d’art en soi, Hamid Shams subit ici une absence imposée, une censure brutale qui transcende l’espace artistique. Là où d’autres ont fait du vide une provocation esthétique, Shams se heurte à une barrière bien réelle : celle d’un régime qui restreint la liberté d’expression, enferme les idées, et réduit au silence ceux qui osent défier l’ordre établi.

Dans son message adressé au public parisien, Shams a exprimé sa tristesse face à la violence qui embrase le Moyen-Orient et, par extension, l’Iran. Sa sculpture qui devait incarner la résistance et la résilience de ceux qui luttent contre l’obscurantisme, nous ne la verrons pas. L’œuvre, privée de son contexte, n’a pas pu offrir au public sa présence physique, mais elle demeure vivante dans l’esprit de ceux qui comprennent la lutte des artistes iraniens pour faire entendre leur voix.

Une absence qui résonne comme un acte de résistance

L’histoire mythologique de Zahhak et Fereydoun n’est pas seulement un mythe ancien ; elle incarne aujourd’hui le combat des artistes iraniens pour la liberté d’expression, face à un régime qui, tel Zahhak, exige des sacrifices pour maintenir son pouvoir. Hamid Shams, par cette absence, nous force à regarder en face la réalité d’un pays où l’art est considéré comme une menace et où la culture est étroitement surveillée, filtrée, voire détruite.

L’art comme arme contre la violence et la séparation

La censure et la répression ne se limitent pas à des frontières géographiques. Ce qui arrive aujourd’hui à Hamid Shams rappelle que l’art est toujours en lutte contre les forces qui cherchent à le contrôler.

Auteur
Sarah Doraghi est une journaliste, auteure et comédienne franco-iranienne. Diplômée de l’École Supérieure de Journalisme de Paris et des Cours Florent, elle a fondé l’agence de presse PIJAMAX en 2001. Elle a travaillé comme enseignante, responsable presse au Forum de Davos et chroniqueuse pour France 2 dans l’émission “Télématin”. Auteure de plusieurs livres, dont “Je change de file”, elle a aussi créé un one-woman show éponyme. Sarah coanime des émissions culturelles sur TV5 Monde et Europe 1, et a réalisé des documentaires pour ARTE. Elle parle français, anglais et persan.

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